samedi 29 novembre 2014

Poésie et illustration 6 : Une fée de V. Hugo

Inspiration médiévale...


Poème évoquant l'inspiration poétique, Hugo utilise de manière insistante la veine médiévale puisque la pièce se trouve dans l'un de se premiers recueils : Les Odes et ballades. Appartenant à cette veine troubadour qui remet en scène le Moyen-Age après des siècles d'oubli, le recueil et partant ce poème insistent sur les rêveries nées de ces anciennes légendes ; car c'est un hymne à une fantaisie peut-être libérée du poids de l'Antiquité grecque qui est ainsi chanté par le poète.

Que ce soit Urgèle ou Morgane,
J’aime, en un rêve sans effroi,
Qu’une fée, au corps diaphane,
Ainsi qu’une fleur qui se fane,
Vienne pencher son front sur moi.

C’est elle dont le luth d’ivoire
Me redit, sur un mâle accord,
Vos contes, qu’on n’oserait croire,
Bons paladins, si votre histoire
N’était plus merveilleuse encor.

C’est elle, aux choses qu’on révère
Qui m’ordonne de m’allier,
Et qui veut que ma main sévère
Joigne la harpe du trouvère
Au gantelet du chevalier.
Dans le désert qui me réclame,
Cachée en tout ce que je vois,
C’est elle qui fait, pour mon âme,
De chaque rayon une flamme,
Et de chaque bruit une voix ;

Elle, — qui dans l’onde agitée
Murmure en sortant du rocher,
Et, de me plaire tourmentée,
Suspend la cigogne argentée
Au faîte aigu du noir clocher ;

Quand, l’hiver, mon foyer pétille,
C’est elle qui vient s’y tapir,
Et me montre, au ciel qui scintille,
L’étoile qui s’éteint et brille,
Comme un œil prêt a s’assoupir ;

Qui, lorsqu’en des manoirs sauvages
J’erre, cherchant nos vieux berceaux,
M’environnant de mille images,
Comme un bruit du torrent des âges,
Fait mugir l’air sous les arceaux ;

Elle, — qui, la nuit, quand je veille,
M’apporte de confus abois,
Et, pour endormir mon oreille,
Dans le calme du soir, éveille
Un cor lointain au fond des bois.

Que ce soit Urgèle ou Morgane,
J’aime, en un rêve sans effroi,
Qu’une fée, au corps diaphane,
Ainsi qu’une fleur qui se fane,
Vienne pencher son front sur moi !

Comme l'illustration de G Lemercier le montre, il s'agit aussi de montrer l'importance de la figure féminine comme moteur de la création et de la fantaisie. Un poème lyrique où l'imaginaire vient hanter les vers...

mercredi 26 novembre 2014

Expo Keith Haring : affiches vintage, Pont de la machine, Genève (Suisse)


Afficher ses convictions...


Plus de 85 affiches produites par K. Haring dans les années 80/90 sont présentées, permettant d'évoquer le travail de l'artiste à la fois en tant que créateur et en tant que militant. Car, à travers une production assez importante, c'est tout un pan de la vie culturelle et sociale de l'Occident qui se trouve convoqué devant nos yeux.


Jubilatoire personnage typique du créateur qui est utilisé à des fins publicitaires, tant par Lucky Strike que des marques d'alcool, on croise l'emblématique silhouette militant pour l'égalité en Afrique du Sud, en train de fêter la chute du Mur ou d'ouvrir la porte médiatique à la lutte contre le Sida, fléau naissant de ces années 80/90 dont la scène new-yorkaise sera une des nombreuses victimes.


Le mouvement, le jubilatoire pour faire effondrer tous les murs de l'intolérance et des stéréotypes sont ainsi une marque de fabrique de l'univers de Haring ; un peu comme si le Hip-hop et ses mouvements saccadés venait vitaliser un art affichiste trop pesant et immobile.

Un art du mur à (re)voir jusqu'au 18 janvier 2015 :

http://www.sig-ge.ch/nous-connaitre/support-et-communications/se-divertir/espace-expo-pont-machine/l-espace-exposig

samedi 22 novembre 2014

Opération Masse critique, L'éblouissement d'un regard,JJ. Tschudin


Découverte d'un art théâtral...

Un grand merci tout d'abord à Babelio et aux Editions Anacharsis pour cet envoi des plus intéressants! Car en effet, L'éblouissement d'un regard est un essai très riche qui permet de mieux comprendre la réception occidentale des formes de théâtre japonais, le nô et le kabuki pour l'essentiel.

Si les écrits jésuites du XVI° siècle font mention de la scène nipponne, la fermeture rapide du pays va faire oublier cette forme artistique jusqu'à la réouverture de l'ère Meiji vers le milieu du XIX° siècle.


Toutefois, cette découverte est un processus assez complexe qui ne se fait pas toujours de manière objective : les voyageurs occidentaux sont fascinés par les acteurs mais ne peuvent supporter la musique d'accompagnement. Les opinions ethnocentrées restent des variantes qui marquent en profondeur le regard des Américains et Européens sur le Japon et sa culture. Ainsi, les Anglo-saxons sont-ils choqués par l'acteur onnagata (homme qui joue le rôle de femme), oubliant que leur théâtre élisabéthain fonctionnait sur le même principe de travestissement. 


Outre les voyageurs, des troupes japonaises vont se rendre en Occident lors des Expositions universelles, notamment. Une actrice comme Saddayakko va envouter de nombreux spectateurs et dramaturges occidentaux : Stanislavsky ou Coppeau seront étonnés du jeu et des nouvelles possibilités que ces formes asiatiques pourraient apporter à la dramaturgie occidentale.

Cependant, les pièces et jeux présentés aux Occidentaux sont déja des adaptations : les puristes du Nô et du Kabuki se moqueront de ces troupes qui déforment la dramaturgie classique. Or, du côté des Occidentaux, ce manque d'authenticité ne sera pas vraiment un élément qui choquera les consciences. C'est plus l'esprit et les grands principes qui intéresseront les créateurs.



L'éblouissement de la scène japonaise mettra du temps à laisser la place à un spectacle nippon authentique et exact par rapport à la tradition du pays. Toutefois, l'influence des planches japonaises est indéniable dans les pièces et surtout les réflexions des théoriciens dans la première partie du XX° siècle.


dimanche 16 novembre 2014

Expo Nudités insolites, Musée Barbier-Mueller, Genève (Suisse)

Lire le corps...


La nudité corporelle qui inonde nos médias ne fait souvent passer qu'une image partielle : celle héritée des canons classiques de la Grèce antique. Toutefois, cette vision est loin d'être partagée par la plupart des civilisations traditionnelles et même du vieux fonds occidental comme en témoignent les statuettes des Cyclades.

Pour nombre de civilisations africaines ou asiatiques, la nudité est un témoignage de la vigueur de la nature et un appel aux esprits pour la fécondité et donc la reproduction de l'espèce. Autant dire que les sexes multipliés ou surdimensionnés sont légions : la sculpture est une prière qui appelle la protection des dieux.


De même, la structure du corps est bien souvent schématisée, imposant plus une présence et donnant de l'importance à la silhouette plutôt que voulant montrer une exactitude anatomique. Le corps est alors symbole de la présence au Monde et de sa participation aux cycles de la Vie.


L'exposition met aussi en écho certaines sculptures cubistes qui vont rafraichir leur vision anatomique aux sources africaines ou polynésiennes, laissant la part belle à la structuration et aux lignes.


Un corps à déchiffrer jusqu'au 15 février 2015 :
http://www.barbier-mueller.ch/

mercredi 12 novembre 2014

challenge Ecrivains japonais d'hier et d'aujourd'hui 4 : Chansons populaire de l'ère Showa de Murakami Ryu

Déflagrations solitaires...


Une bande de trentenaires que peu de choses lient se retrouvent certains samedis afin de chanter des chansons des années 60 à 80 et jouer à Papier/pierre/ciseau, tout en avalant pas mal d'alcool. Ces solitudes ajoutés vont petit à petit se lier et se dévoiler.
Des joutes de doigts, on passera à un véritable meurtre perpétré par Sugiyoka : suivant une femme peu attirante, ne voyant en elle qu'un objet sexuel, la filature se terminera par la mort de la femme. 

A partir de ce moment, une violence en chaîne va se mettre en action : faisant elle aussi partie d'un groupe, celui des Midori (toutes les femmes portent ce nom!), ses compagnes décident de venger cette dernière et partent à la recherche du meurtrier.



Les meurtres en série se déroulent en alternance avec des réunions en apparence bien anodines, bercées par des mélodies de Pinky and Killers (un nom qui colle bien au récit) ou d'autres groupes de cette fin de l'ère Showa.
Du sang, du karaoke, une guerre des sexes sur fond de chansonnette romantique, voilà les contrastes qui structurent le livre. Il ne faut pas oublier une violence et une crudité qui n'iront que croissant durant toute l'histoire. Les meurtres simples se trouvant être des moyens trop lents, les quelques rescapés masculins imagineront une formule plus expéditive : une bombe atomique artisanale!


Dénonçant le vide et l'individualisme forcené, le livre démontre à travers une mécanique implacable la violence comme moteur d'une fraternité absurde; absurdité mise en scène tout au long du texte par les nombreux ricanements et sourires en coin qui insiste sur le désenchantement de personnages qui ne trouvent pas de place dans une société qui ne parait plus avoir de sens.


Un texte nerveux, entre le conte moderne et le roman de non initiation!

samedi 8 novembre 2014

Expo M. Chat, Galerie Berthéas, Vichy (03)

Félin au mur...


M. Chat, célèbre félin des murs urbains s'invite à Vichy après avoir défrayé les chroniques murales de la station Chat-elet à Paris... Le sourire toujours ravageur, il se décline sur les toiles, sculptures et dessins sur vitres de la galerie Berthéas.


Une énergie toujours débordante et un rappel de ses origines populaires émaillent les diverses oeuvres présentées. Le héros humoristique s'invite dans des décors contemporains ou dialogue avec des références politiques ou culturelles : Félix le chat ou Mickey se retrouvent convoqués au milieu de ribambelles félines.

 

Les reprises artistiques, elles aussi, sont des éléments remarquables de nombreuses toiles : Keith Haring et la mouvance du Street Art sont bien entendu cités, mettant en scène un hommage ludique à certaines des origines du personnage de M. Chat. Ainsi, c'est un retour sur la genèse d'un héros populaire et sur sa dynamique de création que cette exposition propose.


Un chat qui sort de son panier jusqu'au 9 novembre :
http://www.galerie-les-tournesols.fr/m-chat.htm

mercredi 5 novembre 2014

Challenge Ecrivains japonais d'hier et d'aujourd'hui 3, La Sumida de Kafu

Une civilisation qui passe...



Réagissant à la modernisation du Japon durant l'ère Meiji, Kafu écrira un roman court qui met en scène divers lieux du vieil Edo qui va disparaitre. A la manière des artistes d'estampes, il propose des vues célèbres, les Meisho dans lesquelles évoluent tout le peuple joyeux ou inquiétant de la capitale.
A travers ces vues, le lecteur suivra l'histoire du vieux Ragetsu qui sera le témoin des amours et malheurs de son neveu Chokichi : le vieux libertin d'une époque révolue accompagne un jeune homme que l'art passionne mais que sa mère veut transformer en fonctionnaire bien sous tous rapports.

De même, ses amours avec O-Ito, son amie d'enfance, seront contrariées pas l'entrée de la jeune fille dans une maison de thé afin de devenir geisha : loin des yeux et loin des préoccupations du quotidien de chacun, quel avenir inventer?



La modernisation des abords de la rivière Sumida incarne alors cette torsion des sentiments et des civilisations qui ancre le personnage de Chokichi dans un mal-être qui ne cessera de grandir. Pourtant, le climat et le ton du roman ne sont pas larmoyants; au contraire, les traits d'humour et de drôlerie viennent contrebalancer des passages plus mélancoliques et sombres.
Le temps qui passe emporte une civilisation mais dans certains éclats de rire à la fois solaires et amers.

dimanche 2 novembre 2014

Bambouseraie Prafrance, Anduze (30)



Asie gardoise...


Vent dans les bambous près d'Anduze dans le Gard. Depuis le XIX° siècle, ces quelques hectares près de la ville abritent une entreprise horticole. D'histoire ancienne, cette entreprise n'aura de cesse de mettre à l'honneur les plantes asiatiques sous le climat européen.
En 2000, un pas est encore franchi par l'appel au talent du paysagiste Eric Borja qui va créer la vallée du dragon, véritable jardin d'inspiration zen qui rappelle autant certains lieux chinois que japonais.



Outre ce lieu magique, bassins aux bonsai, jardin aquatique ou village laotien permettent la mise en scène de diverses essences de bambous ou de palmiers dans le souci d'une véritable harmonie plutôt que dans une volonté de faire asiatique à tout prix. De là des croisements culturels entre des tentatives anciennes et des réalisations modernes qui mettent en valeurs les plantent et donnent un véritable cachet au lieu.
Un moment de calme et de découverte à ne pas manquer si vous passez dans la région, surtout avec les derniers feux de l'automne!



稲妻に
こぼるる音や
竹の露



un éclair
le bruit de la rosée qui gouttte
dans les bambous



Buson